Lecture

Simone Veil, L’Immortelle

20 août 2018

Simone Veil, l’Immortelle de Pascal Bresson et Hervé Duphot

simone veil l immortelle lalydo 2

Novembre 1974. Simone Veil, alors Ministre de la Santé, défend devant l’Assemblée Nationale son projet de loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Après un discours poignant, et durant les discours des députés, elle se remémore les moments difficiles de sa vie comme sa déportation à Auschwitz-Birkenau. Portrait d’une femme déterminée qui a transformé le monde politique du XX° siècle.

 

Il y a à peine quelques semaines, Simone Veil entrait en compagnie de son mari au Panthéon auprès des plus grands qui, comme elle, ont marqué l’Histoire de la France. Le destin hors-norme de cette grande dame est désormais raconté dans une bande dessinée : Simone Veil, l’Immortelle.

Difficile de condenser la vie voire même les vies multiples de cette femme en quelques pages. Dans cet ouvrage, Pascal Bresson se concentre sur 3 périodes : son enfance à Nice, sa déportation et sa loi sur l’IVG. Ces grands axes, fondamentaux dans son parcours, permettent de cerner la personnalité de cette femme exceptionnelle, au tempérament bien trempé que l’on chercha par tous les moyens à détruire, par différents moyens, au cours de son existence.

Cette bande dessinée rappelle ou permet de découvrir le rôle essentiel de cette dame dans la vie politique du XX° siècle et la place prépondérante qu’elle a eu dans la vie des femmes en luttant pour leurs droits, corps et âme. Ce sont ses combats, et ce dès son plus jeune âge, qui ont sans nul doute façonné son destin, ses choix et son implication dans toutes les batailles menées au cours de sa vie, et qui nous sont contés dans cet ouvrage, le rendant incontournable.

Avec des dessins au trait épurés, Simone Veil reprend vie sous la plume d’Hervé Duphot, donnant au contenu et au contenant, toute sa beauté et sa force, menant le lecteur au coeur des différentes ambiances avec beaucoup d’efficacité.

Simone Veil, l’Immortelle est un ouvrage à mettre entre toutes les mains, pour que cet hommage formidablement bien mené puisque continuer de vivre et de faire vivre cette femme d’exception.

 

Et pour en savoir plus sur cette BD, Pascal Bresson s’est prêté à une petite interview…

Avec cette nouvelle bande dessinée, tu as souhaité mettre en avant Simone Veil, une personnalité incontournable dans notre société actuelle. Qu’est-ce qui t’a attiré chez elle, dans son parcours ?

Tout d’abord, on ne se lève pas un matin, au saut du lit en se disant : « Tiens, je vais mettre la vie de Simone Veil en roman graphique ! ». Ce fastidieux travail, m’a pris trois bonnes années. Tout est parti du Panthéon en 2014. Depuis ma plus tendre enfance, je suis passionné par certains grands personnages. Mon préféré : Victor Hugo. C’était un écrivain aux multiples facettes, connu dans le monde entier pour son œuvre extraordinairement riche, et dont le génie s’était mis au service non seulement de la littérature, mais aussi des questions sociales et politiques.
A travers son œuvre profondément humaniste, Victor Hugo avait dénoncé les injustices sociales, et avait plaidé la cause des faibles et des pauvres, par exemple dans « Les Misérables » ou dans « Notre Dame de Paris ». J’ai voulu me recueillir, lui rendre hommage au Panthéon, haut lieu sacré, inébranlable nécropole des grands hommes… et de femmes aussi. En voyant Jean Jaurès, Jean Moulin, André Malraux, etc… Mon émotion fut grande. Et c’est alors que je me suis posé cette ultime question : « Si on devez aujourd’hui « panthéonisé » une personne, ce serait qui ? ». La seule évidence qui m’est venue SIMONE VEIL. Pourquoi cette grande dame ? C’était une femme très émouvante et très courageuse. Les Français retiennent son combat pour l’émancipation des femmes. Elle a défendu l’avortement qui était une tragédie qui faisait 25 000 mortes chaque année. Elle était seule contre les hommes qui l’ont insulté, bafoué, traité de « Nazi ». Elle incarnait aussi une rescapée de la Shoah, une authentique survivante des camps de la mort. Une miraculée. Simone Veil  a eu une vie remplie, elle était très investie. C’est une perte, un choc encore pour moi un an après.

 

Avec cet ouvrage, tu évoques les différentes facettes de cette grande dame. Sa déportation, son engagement en faveur de la loi pour l’avortement… Que souhaites-tu que l’on garde d’elle en lisant cette BD ?

J’ai réalisé ce roman graphique en collaboration avec Hervé Duphot qui s’est mit au service de mon histoire par ses dessins. Depuis de nombreuses années, je me bats pour le souvenir, la transmission, le devoir de mémoire pour nos jeunes. En réalisant des sujets aussi importants, aussi lourds, c’est ma façon de leur donner les clés pour ouvrir les serrures du passé, pour ne jamais oublier. J’ai abordé différents thèmes : la ségrégation, l’injustice, l’humanisme, la Shoah, etc… La Bande Dessinée est un bon moyen de communiquer avec les jeunes qui sont parfois réfractaires à se plonger dans de gros pavés littéraires. « Transmettre les clés pour devenir soi-même » disait Frédéric Lenoir grand philosophe. Vous savez, la transmission nous concerne tous. Elle nous a tissés au fil du temps, de cette longue chaîne des hommes et des femmes qui nous ont précédés et que nous côtoyons. Nous avons hérité de leur expérience, de leur culture, de leurs valeurs. Et à notre tour maintenant, de transmettre ce savoir aux enfants qui nous entourent. Simone Veil, était un bel exemple. Ce livre, c’est pour ne jamais oublier ce qu’il s’est passé. Ne jamais oublier cette grande dame qui a fait tant pour les femmes, pour nous, et c’était la moindre des choses que de lui rendre hommage à travers un biopic dessiné.

 

Je sais que tu as eu l’honneur de la rencontrer, ainsi que ses fils, quelques mois avant son décès pour évoquer le projet de ce livre. Peux-tu nous parler de cette rencontre ?

J’ai donc pensé à réaliser une Bande Dessinée sur Simone Veil dès 2014. Il était absolument exclu que je conçoive sa vie sur plusieurs tomes versions albums classiques de 46 pages. Je me suis renseigné et je me suis rendu compte que personne n’avait eu l’idée d’évoquer la vie de Simone Veil en Bande Dessinée. J’ai commencé à préparer ma documentation, lire ses diverses biographies, etc… J’ai commencé à écrire un synopsis. Je ne voulais surtout pas commencer dans l’ordre chronologique. Sa naissance, son adolescence, l’arrestation, etc… Non, je tenais à ce que Simone Veil devienne une héroïne de papier. Une Bande Dessinée doit vivre, avec des hauts et des bas, jamais linéaire, même si c’est un sujet réaliste. J’ai la chance d’être un ami proche de Claude Cancès, ancien grand patron du célèbre « 36 Quai des Orfèvres ». J’étais en Suisse et j’ai appelé Claude en lui demandant si par hasard il était en lien avec la famille Veil. Par chance, Claude était un ami proche de Jean Veil. Dans cette même journée, j’ai pu obtenir le portable personnel de Jean Veil et prendre rendez-vous avec lui et sa maman. Quelques mois plus tard, à Paris, j’étais devant cette grande Dame et son fils, qui est devenu le garant du patrimoine Veil. J’ai pu expliquer ce projet. Pas facile car le trac m’avait envahi. Mais le but essentiel était de mettre en avant son combat pour L’IVG, sa déportation et que plus jamais cette horreur puisse un jour revenir. Fatiguée, souriante, elle m’a félicité pour cet engagement. J’avais, d’après elle, bien raison de concevoir cet ouvrage pour les futures générations, car sa seule peur était que les extrêmes reviennent… Quelques semaines plus tard, j’ai eu la joie de recevoir une autorisation écrite et signée par la famille Veil pour commencer mon livre. J’ai donc envoyé ce projet dont le synopsis comportait 20 pages à tous les éditeurs. Ne voulant pas faire commerce sur le nom de Simone Veil, j’ai pris tout de suite l’éditeur qui s’est manifesté le premier. Ce furent les Editions Marabout. Une aubaine pour eux, car ils avaient justement envie de mettre le destin de Simone en roman graphique. Ensuite, je me suis plongé dans les articles de presse datant des années 70,80, 90 pour être au plus près de l’authenticité, car je savais qu’elle relisait toujours ses interviews, donc impossible de se tromper dans l’historique de sa vie. J’ai démarré « Simone Veil l’Immortelle » par son combat pour l’IVG. A chaque page, Jean Veil a vérifié et validé. Malheureusement, Simone Veil est décédée pendant sa réalisation et n’a donc pas pu voir cet album terminé. Le livre paru, la Famille Veil m’a fait par de leur joie « Un très beau livre, très pédagogique, et un bel hommage pour maman » m’a dit Jean Veil. Je suis invité à déjeuner avec lui en septembre.

 

J’ai énormément aimé le traitement graphique, tout en simplicité mais d’une grande efficacité, notamment par l’utilisation de code couleur pour marquer les différentes époques. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

Hervé Duphot est un dessinateur classique dans le bons sens du terme. Il avait déjà réalisé 6 albums. N’ayant plus de boulot dans l’édition, j’ai eu son contact par un copain auteur François Ravard. Hervé, en lisant le synopsis, a été séduit pour mettre en image la vie de Simone Veil. Il a réussi le pari et donne vie à cette grande Dame. Nous avons opté pour différentes couleurs pour que le lecteur ne perde pas le fil. Comme on passait d’une époque contemporaine à une époque passée, puis en revenant sur des flash-back, différentes couleurs s’imposaient. Bleu (Période Contemporaine), jaune (Adolescence), gris (Déportation), Verdâtre (Flash-Back). Et je peux affirmer que ça donne d’avantage de vie à l’histoire, car je ne voulais pas mettre de ciel bleu, de jolis couleurs dans ces moments difficiles et tragiques. Les codes couleurs sont là pour nous rappeler divers épisodes de sa vie.

 

Y a-t’il d’autres personnalités de notre société à qui tu souhaiterais consacrer une bande dessinée ?

« Le succès ne pardonne pas » disait Victor Hugo. J’avoue préférer ne pas parler de mes futurs projets. Il y a eu une certaine jalousie par rapport au vif succès de Simone Veil. Nous sommes dans une société ou certaines personnes n’ont plus d’états d’âme et sont prêts à te piquer tes propres projets.

pascal bresson assemblee nationale

Pascal Bresson à l’Assemblée Nationale, où Simone Veil défendit son projet de loi pour la légalisation de l’avortement

 

Peux-tu nous parler de tes projets ?

En octobre 2018, paraîtra en roman graphique l’adaptation du célèbre best-seller « Elle s’appelait Sarah » écrit par mon amie Tatiana de Rosnay. Je me suis occupé de l’adaptation et du découpage en code BD. C’est le camarade Horne qui s’est occupé de la partie graphique. C’est merveilleux ce qu’il a fait, il a beaucoup de talent. Ce sera un roman graphique de 196 pages édité par les Editions Marabout, dans la collection Marabulles. Une belle histoire écrite par Tatiana de Rosnay, un récit émouvant, voici le résumé : « Julia Jarmond, journaliste américaine et mère de Zoë 11 ans, est mariée à Bertrand, un Français. Elle vit à Paris dans les années 2000. Le roman est son histoire mise en parallèle  avec celle d’une fillette juive de 10 ans, Sarah, déportée en 1942 lors de la rafle du Vel d’Hiv. Le journal américain dont Julia est la correspondante lui commande un article à l’occasion du soixantième anniversaire de cette tragédie. Julia étudie cette période qu’elle connaît peu et va être amenée à fouiller le passé de sa belle-famille et à rechercher les traces de Sarah. Lors de la rafle, Sarah cache son petit frère dans un placard fermé à clé, lui promettant de revenir le chercher et gardant sur elle cette clé… ». Et actuellement, j’ai signé un autre album retraçant la vie de la célèbre navigatrice Florence Arthaud que j’ai eu la chance de connaître quelques mois avant sa mort. Une belle rencontre, ça valait le coup de faire un bel album sur elle. Son titre : « FLORENCE ARTHAUD, FEMME LIBRE » à paraître en 2019.

 

Merci Pascal !

Merci à toi et bonjour à toutes tes lectrices et lecteurs…

 

simone veil l immortelle couv

Simone Veil, l’Immortelle
Pascal Bresson et Hervé Duphot
Marabulles
17,95 €

 

 

Retrouvez Pascal Bresson et les dates de ses dédicaces sur son site : pascalbressonbd.weebly.com

 

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2 Comments

  • Reply Pop K'Nel 9 septembre 2018 at 17 h 45 min

    Merci pour ce très bel article ! J’ai personnellement lu cette BD courant semaine dernière et j’ai adoré !! Très accessible, très facile à lire, le code couleur pour chaque époque nous permet de suivre sans aucune difficulté, bref très beau travail !

    • Reply lalydo 9 septembre 2018 at 20 h 21 min

      Merci à toi pour ce commentaire, je suis ravie de lire que cette lecture t’ai autant plu qu’à moi ! C’est en effet un très beau travail et surtout un bel hommage pour cette très grande dame.

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